Dans un monde où nous sommes entourés de technologie nourrissant continuellement notre cerveau de récompenses immédiates, tout va, tous les jours, un peu plus vite. Dans ce hold-up attentionnel continu, il n’est donc pas surprenant de soudainement réaliser que 5 jours se sont déjà écoulé depuis la fin du 35e Festival International des Jeux de Cannes. Un Festival espéré, souhaité, ardemment attendu et au combien apprécié…
Il m’aura quand même fallu 5 jours pour réussir à terminer ce premier article. Non pas parce que l’inspiration puisse me manquer, mais il s’avère que j’ai eu l’occasion de ramener involontairement un goodies de Cannes un peu moins folichon qu’à l’accoutumée ; à savoir, Omicron.
À en croire les réseaux sociaux, je ne suis manifestement pas le seul. Mais au vu du plaisir que j’ai eu à participer à cet événement, je me dis que c’est finalement un petit prix à payer. Pénible certes, mais de loin pas aussi pénible qu’aura été ma première rencontre avec le virus en mars 2020…
L’histoire commence un 14 janvier…
Lorsque l’organisation annonce enfin le 14 janvier 2022 du maintien du Festival, le monde ludique, qui scrutait fébrilement un signe de la messe ludique cannoise, laisse finalement éclater sa joie. La situation sanitaire avait eu raison de l’édition 2021 et les chiffres élevés des cas en France en ce mois de janvier 2022 ne laissait alors rien présager de bon. Que nenni. Le Festival aura bien lieu !
Cette 35e édition débutera évidemment par l’annonce des nommés pour l’As d’Or. Une sélection très intéressante pour un panel de jeux qui se divisera désormais en 4 catégories, puisqu’en sus des catégories enfant, expert et jeu de l’année, la catégorie « initié » fait ainsi son entrée.
On en parle d’ailleurs dans notre article Les nommés de l’As d’Or sont…
Alors si vous ne l’avez pas encore lu… Vous savez quoi faire 🙂
Et les pronostics commencent…
Les pronostics vont tout de suite aller bon train et l’équipe du Lonely n’échappera pas à cette règle. Après une série de discussions aussi animées que constructives, notre classement sera le suivant:
- As d’Or Enfant : Bubble Stories
- As d’Or Initié : Nouvelles ContRées
- As d’Or Expert : Les Ruines perdues de Narak
- As d’Or – Jeu de l’année : Happy City
Catégorie enfant
Pour l’As d’Or Enfant, les discussions ne seront pas bien longue. Pin-Pon est assez rapidement écarté de notre classement ; ce dernier nous apparaissant comme étant un peu trop classique. Attrape-Monstres et Bubble Stories présentent alors tout deux des éléments papables, mais le petit côté « Escape-Game » malin dans l’utilisation des bulles pour Bubble Stories nous séduit largement. Ce sera notre champion dans cette catégorie.
Le résultat viendra confirmer notre intuition puisque c’est ce dernier qui remportera le prix.
Bravo Blue Orange ; un prix bien mérité!
Catégorie initié
Notre champion pour la nouvelle catégorie l’As d’Or « initié » sera quelque peu plus compliqué à définir. Les 3 nommés présentent tous des caractéristiques intéressantes. À commencer par Living Forest dont la simplicité, l’accessibilité pour les novices et les indéniables qualités esthétiques font mouches. Ludonaute frappe très fort d’entrée de jeu…
Nouvelle Contrée, l’OLNI coopératif de déduction et d’interprétation semble de prime abord moins évident à prendre en main, de part sa nature onirique et poétique (à éviter pour les allergiques chroniques à Dixit & Co). Mais pour les autres, le jeu s’avère très rapidement über-accessible, magnifique et incroyablement malin (pour ne pas bêtement dire « bien fichu »). C’est même à se demander pourquoi personne n’y avait pensé jusqu’ici.
Reste alors l’excellent mastodonte narratif et coopératif de Studio H, Oltréé, adaptation du jeu de rôle éponyme de John Grümpf (2013). Où lorsque l’un des meilleurs auteurs de sa génération uni ses forces avec l’un des meilleurs illustrateurs de sa génération (même si ça ne reste qu’un avis purement subjectif), sous couvert d’une équipe éditoriale au taquet, on obtient une petite pépite ludique accessible et addictive…
C’est finalement « Nouvelle Contrée » qui obtiendra nos faveurs. Au-delà du fait que ce dernier apporte un véritable vent de fraîcheur dans les jeux de type onirique, et qu’il se démarque littéralement par sa différence par rapport à ses adversaires, l’introduction de livres « random » comme éléments de jeu nous semble alors juste incroyablement malin. Si tant est que votre bibliothèque ne se borne pas à un dictionnaire et à un veille annuaire des pages jaunes…
Le jury lui préférera Living Forest qui remporte ainsi le premier As d’Or initié. Un prix, soit dit en passant, à nouveau totalement mérité. Bravo Ludonaute!
Catégorie expert
L’As d’Or expert induira, vous le pensez bien, de nouvelles discussions intéressantes et animées.
Dune Imperium nous apparaît rapidement comme l’un des plus sérieux candidats dans cette sélection. En faisant fi des 400 millions au box-office de l’oeuvre cinématographique de Denis Villeneuve et de la saga littéraire « on-aime-on-n’aime pas » de Frank Herbert, ce jeu de pose d’ouvriers/deck building fignolé aux petits oignons est un pure jeu expert dont la combinaison univers-mécanique est tout simplement un must du genre. Il fera l’unanimité.
Les Ruines perdues de Narak. Que dire de ce petit bijou… Des illustrations qui claquent, un matériel au combien soigné, une combinaison de mécaniques à la mode (deckbuilding/pose d’ouvriers/gestion de ressources), ni trop léger, ni trop complexe, aventureux au possible et au combien addictif… La discussion portera principalement sur le fait que le jeu se situe un tantinet à cheval entre deux catégories. Pas totalement expert, pas totalement initié, on reste toutefois dans un jeu relativement demandeur (mais certes moins que Dune Imperium). Notre coeur d’aventurier finira pas vibrer sur la corde de Narak, mais cette discussion aurait peut-être dû nous ouvrir les yeux…
Iki fera quelque peu office d’outsider dans cette sélection sans pour autant démériter. Immersif au possible, l’année passée sur ce marché japonais au 16e siècle va littéralement passer comme une lettre à la poste. Je me suis questionné un (petit) moment sur son statut de jeu « expert » mais très rapidement, j’ai compris ; la quantité d’éléments auxquels il faudra porter son attention pour optimiser son scoring est juste über-conséquente. Un jeu agréable, addictif au possible, fij-trement bien foutu et proposant une sacrée rejouabilité… Un « must-have » comme diraient nos copains anglo-saxons…
Le jury élèvera Dune Imperium au panthéon des jeux experts et on comprend bien pourquoi. Parmi les 3 jeux nommés, c’est en effet le jeu qui, selon nous, combine le plus de critères « papables » en relation avec sa catégorie. Bravo Lucky Duck Games!
Catégorie As d’Or jeu de l’année
Lorsque la sélection dévoile 7 Wonders Architects dans la catégorie As d’Or-Jeu de l’année, l’équipe hausse joyeusement les épaules : c’était une évidence. Cette nouvelle mouture évoluant dans l’univers de 7 Wonders, une aventure signée Bauza/Repos Prod démarrée il y a déjà 12 ans (avec un Spiel des Jahres à la clé) reussi le tour de force de non seulement éclipser tous ses prédécesseurs, mais de proposer une expérience ludique renouvelée, épurée et débarrassée par la même occasion de ce que les joueurs aguerris trouvaient inutiles, gnangnan, voire simplement triviale avec les opus précédents. L’esprit de la gamme est toujours aussi présente ; on ne risque dès lors pas d’être dépaysé. Architects est, à notre avis, de loin l’un des meilleurs jeux dans son genre proposant d’une part une passerelle pour amener des novices à découvrir l’univers du jeu moderne, et d’autre part, notamment de par sa profondeur stratégique (qui se révélera au cours de multiples parties), de satisfaire les ludosaures de notre genre. Une sacrée réussite…
Quoi de mieux que de nommer ambassadeur, un jeu qui mêle aventure, exploration narrative et immersion au possible, le tout enfoui dans une boite qui pourrait techniquement contenir dans une (grande) poche ? Cartaventura Lhassa est le second jeu nommé et on comprend bien pourquoi. Blam propose ici un passionnant voyage ludique à la portée de tous. Un voyage qui sera par ailleurs composé d’illustrations magnifiques (vraiment! Elle sont à tomber par terre), un mécanique simple et fluide, au bénéfice d’une histoire prenante, bien écrite et intelligente… Un jeu qui fera souffler une brise de nostalgie parmi ceux qui ont grandi avec les Livres dont vous êtes le héros. Notre bémol se portera principalement sur 2 éléments quant à la possibilité de l’emporter. À savoir, la rejouabilité et cette notion de découverte, de bonne surprise que l’on peut ressentir la première fois que l’on découvre le jeu et qui s’efface évidemment les fois suivantes… Ce qui n’enlève cependant rien à ses qualités.
Et que serait un As d’Or sans son jeu Cocktail Games ? le jeu de cartes/construction Happy City s’est rapidement mué en petit chouchou au sein de l’équipe. Coup de coeur immédiat! Malin, rapide, avec une pincée de Miniville à la sauce Kawaii, saupoudré d’une gargantuesque rejouabilité, Happy City nous a littéralement fait fondre… Très simple d’accès offrant qui plus est une variété de stratégies possible, tout en incluant un set rageant de renversements de situation de dernière minute (si si… indubitablement), Happy City nous à fait croire qu’après 9 tentatives. 2022 pouvait potentiellement être l’année de Cocktail Games. La bataille rangée entre 7 Wonders Architects et Happy City fut rude, mais nous avons fini par adouber Happy City, espérant que la cité du bonheur en apporterait enfin à l’équipe de Cocktail Games.
Le jury lui préférera 7 Wonders Architects, offrant par la même occasion, un nouvel As d’Or à son brillant auteur Antoine Bauzat. Une fête cependant quelque peu en demie teinte lors de la remise du prix, l’équipe de Repos Prod étant été absente du Festival suite à la décision d’Asmodee de ne pas y participer.
Un chouette palmares VS un pronostic en mode flop
L’exercice du pronostic n’est pas une science exacte. Tellement de critères entrent en ligne de compte dans la considération d’un prix pour un jeu, que l’on ne peut s’empêcher de faire appel à un savant mélange d’intuition et de goût personnel. La sélection 2022 était clairement de toutes beauté et l’on peut dire sans ciller, que le Jury de cette édition à fait un excellent travail (encore que ce jugement moral est somme toutes aussi subjectif que personnel).
C’est bien connu qu’à la fin de la journée, on finit tous par être plus intelligent. Il nous est cependant apparu que lors de nos discussions, nous avions souvent évoqué ce qui pourrait faire pencher la balance vers un titre plus que vers l’autre sans forcément se résoudre à capter l’essence même de cette discussion. Résultat des courses : un décevant 1 sur 4. Mais qu’importe le jeu, pourvu qu’on ait la liesse !
Une édition qui fleure presque bon la normalité…
Cette 35e édition aura été celle du retour en scène du Festival après une pause sanitaire forcée. Pour rappel, l’édition 2020 s’était déroulée juste avant le début des hostilités Covidesque et l’édition 2021 avait dû être annulé suite aux mesures sanitaires édictées par le gouvernement.
Alors certes, le masque était de rigueur, un contrôle du pass également, sans parler du nettoyage de mains et autre joyeusetés du genre… Mais ce n’est pas ces quelques bricoles qui allaient réussir à gâcher nos retrouvailles avec Cannes…
Mais on ne vas pas se mentir ; les 10 jours passés sans masques en Suisse (les restrictions ayant été annulées par le Conseil Fédéral) nous ont rappelé à quel point on s’habitue rapidement à avoir un peu plus de liberté…
Le FIJ 2022 aura réuni environ 80’000 personnes dont environ 5000 professionnels, 300 stands, 400 journalistes et influenceurs et plus de 300 auteurs et illustrateurs de jeux de sur 4 jours dans un espace de 37’000m2.
En comparant avec l’édition 2020, on note une baisse de fréquentation d’environ 27% (110’000), probablement induite de par l’obligation du pass vaccinal et de la capacité d’accueil maximale limitée à 12’000 festivaliers au sein des halls d’exposition. Malgré l’absence d’Asmodee, le nombre de stand reste sensiblement le même (310 en 2020), bien que le nombre d’auteurs et illustrateurs présent soit plus restreint (400 en 2020).
Il va s’en dire que les habituelles 4 nuits du OFF font à nouveau le plein avec près de 6000 participants.
Pour avoir échangé quelque peu avec certaines personnes qui attendaient à l’extérieur, et en parcourant aléatoirement les messages qui étaient postés sur la page Facebook du FIJ (notamment le samedi), il est clair que la jauge de 12’000 personnes (cumulé au temps de présence plus long des festivaliers) s’est parfois révélée quelque peu problématique. Certaines personnes avaient apparemment fait le voyage sans finalement pouvoir entrer dans l’enceinte du Festival… Ennuyeux certes.
Mais si on observe l’événement dans sa globalité, c’est un petit point noir dans un océan de lumière…
Des éditeurs, des jeux, et beaucoup de passion…
Au cours de l’après-midi du dimanche 27 février, accessoirement également le dernier jour du Festival, on m’a demandé, dans le cadre d’une discussion que j’avais sur le stand d’un éditeur, ce que j’avais pensé de cette édition 2022 (considérant qu’il s’agissait pour moi de la 8e édition).
J’ai spontanément répondu qu’il s’agissait pour moi de mémoire d’une des meilleurs éditions.
Au cours de ce même après-midi j’ai eu l’occasion d’échanger quelque peu sur le sujet et je me suis rendu compte que bien des personnes éprouvaient la même chose que moi. En sus des très bons jeux que nous avons tous eu la chance de découvrir, il est manifeste que tout le monde était juste content de pouvoir se retrouver autour de cette passion commune que nous chérissons. C’était un plaisir que de pouvoir se réunir autour d’une table et découvrir tous ensemble un nouveau jeu. C’était un plaisir de pouvoir rencontrer auteurs et illustrateurs et les écouter parler avec passion de leur travail. C’était un plaisir d’être accueillit si gentiment par les éditeurs débordant d’enthousiasme pour leurs prochaines sorties. C’était un plaisir de pouvoir partager tous ensemble, simplement.
Mais tout ceci n’aurait pas été possible sans une organisation aux petits oignons et en cela il faut chaleureusement remercier toute l’équipe derrière le FIJ!
Le roi est mort !
Vive le roi !
Le FIJ reviendra en 2023 avec une 36e édition du 24 au 26 février et il va s’en dire que nous serons présent. Mais dans l’attente, on vous prépare des brouettes d’articles sympas !
Parce que mine de rien, on a plein de chose à vous faire découvrir et à vous raconter !
Crédits Photos : [avec logo FIJ] | ©2022, Christian Roy.
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