Pour le quidam moyen, le sumotori est une forme d’art de combat un peu bizarre opposant deux gars souffrant d’un léger surpoids enrubannés dans une sorte de slibard fait maison arborant fièrement une coupe de cheveux un tantinet chelou presque aussi laquée que le canard du même nom évoluant dans un grand bac à sable duquel ils sont supposés s’éjecter à grand coups de jambonneaux et de tarte dans la mouille…
Mondialement connu et plus allègrement révéré au Japon, l’art du sumotori est imprégné de traditions ancestrales petit roseau mais qui paraît-il n’ont eu de cesse d’évoluer au fils des siècles. La plus ancienne mention écrite viendrait du « Kojiki », plus occidentale ment, le Récit des Anciens Temps, un petit pavé datant de 712 qui s’avère être par la même occasion le plus ancien exemplaire existant d’écriture japonaise. Le Kojiki donc, relate une légende selon laquelle la possession des îles Japonaises fut résolue par un combat de… sumo. Toujours selon le même livre, les dieux Takemikazuchi et Takeminakata (sisi!) s’en seraient mis sur la tronche comme il faut il y a 2500 ans sur les plages d’Izumo (actuellement Shimane-ken), déjà parce que la vue est sympa, mais aussi et surtout à cause de l’Iode; faut pas charrier – la santé c’est über-important, surtout si tu es une divinité ancestrale. Bref, le contrôle de l’archipel fut cédé au peuple japonais mené par Takemikazuchi, qui à par être tataneur à ses temps perdus, est accessoirement également à l’origine de la famille impériale dont descendrait l’actuel empereur Akihito.
– « Mais qu’est-ce qu’il vient nous bourrer le mou avec ses histoires de Sumo?« , me direz-vous? Et bien petit scarabée, c’est parce que de Sumo il va être question, ou presque.
Samedi dernier, je fus donc poussé par l’irrésistible envie de montrer ma tête de wouineur des fins de semaine difficile au sein du Bar à jeux, non pas seulement parce que mon tatoué préféré traîne généralement à ce moment là dans les parages, et que ce dernier avait par hasard lâché le mot « Euphoria » dans un post FB mais aussi parce que cette fois-ci, il y avait du special guest au menu, qui plus est de dernière minute de surcroît: MushrooM Games en la fringuante et au combien sympathique bien que quelque peu épuisée personne de Nicholas Bodart.
NDLR – Attention – Un Gus se cache sur cette photo.
MushrooM Games – pour ceux qui seraient justement en train de se gratter joyeusement la tempe droite (ou la gauche – on est pas jaloux) en essayant tant bien que mal de se remémorer cet instant « T » au détour d’un bosquet est une petite structure d’édition belge aussi dynamique que passionnée à qui l’on doit notamment l’excellent jeu de cartes (au demeurant) Time Masters. Je me permets cette petite anticipation dans la mesure où il ne m’a pas encore été donné la chance de le tester mais dont la montagne d’échos positifs ont déjà contribué à faire croître mon intérêt initial.
Or donc – pour revenir à nos sushis, Nicholas était de passage de ce côté-ci de notre vaaaaaste Helvétie pour notamment présenter Time Masters, mais aussi et surtout une petite perle ludique de stratégie et de tactique sobrement appelé KUMO HOGOSHA.
Et là, vous êtes subitement et irrémédiablement pantois: oui je sais, c’est normal.
Respirez un bon coup: ça va débroussailler…
KUMO HOGOSHA – CéKouassa?
Et ton hisoire fumeuse de Sumo? Quel rapport?
Calme toi petit moisi céleste. Laisse les kamis s’exprimer!
Kumo-Hogosha (le Gardien des nuages pour les intimes) est LE dernier bébé en prod de la bande à MushrooM estampillé Patrick Gere et Nico Pirard. A la charte graphique, on retrouve ce talentueux bougre de Frédéric Genêt, auteur de la bd Samurai.
NDLR – Attention – Un Frédéric Genêt se cache sur cette photo
Actuellement encore en période de gestation (moins que l’éléphant mais probablement plus que l’homme), l’accouchement officiel est prévu pour le courant de la deuxième moitié de 2015.
Dans les grandes lignes, de ce que j’ai retenu, à l’origine du projet on retrouve donc le trio de joyeux lurons made in Bruxelles.
Back to ze retour of ze machin. Pouf, nous voilà 2 ans dans le passé à une vache près.
Nicholas (l’éditeur) accessoirement ami et voisin de Patrick Gere et pour ainsi dire voisin de Nico Pirard se voit présenter une version du jeu. Souhaitant le faire éditer, Nicholas semble être un choix logique; hors ce dernier nage en plein time-Masterisme. Bien qu’intéressé, il invite Patrick et Nico à se tourner du côté de mastodontes de l’édition tels que Iello ou Gigamic. Les retours sont très bons, mais ils n’en démordent pas pour autant. Ils finissent manifestement par convaincre Nicholas de se lancer dans l’aventure. Ce dernier étant déjà passé par la case « financement participatif » avec Time Master a dans l’idée de réemprunter le même type de chemin pour Kumo.
S’en suit donc une série de réflexions, développements et autres considérations qui nous amène à la version présentée notamment au salon d’Essen et accessoirement au bar à jeu un certain 8 novembre…
C’est quoi le pitch?
Dans Kumo, vous incarnez une équipe de fiers Kumothori (guerrier) prêt à en découdre sur une arène de combat que l’on dirait tout droit sortie de l’imaginaire d’Akira Toryama dans l’optique non pas de remporter un quelconque championnat des arts ménagers mais de réussir à pousser la pierre d’équilibre – sorte de totem ancestral trônant au centre de l’arène, hors de cette dernière et accessoirement du côté de l’adversaire, tout en distribuant avec joie et allégresse quelques mandales bien placées.
Ayant joué sur un prototype, il est donc parfaitement envisageable que la version finale subira de fait quelques changements…
Gardez donc en tête que ce qui va suivre se base donc sur mon expérience autour de ce prototype très prometteur mais ayant notamment fait la guerre d’Essen préalablement…
Kumo dans ta face jeune bambou-kifui!
Comme indiqué précédemment, l’action se déroule donc sur une arène de 9 cases par 9. Pour les non-matheux, on parle de 81 cases en tout dont une – la case centrale, est occupée par la fameuse pierre d’équilibre.
L’arène est posée sur un pivot (central) permettant la rotation de cette dernière.
– A quoi bon me direz-vous? Patience…
Comme vous pourrez le constater ci-dessus, l’arène dispose de 2 pairs d’escaliers, permettant soit de jouer en mode duel (2 pour ceux qui auraient un doute), soit par équipe (2 contre 2). En mode duel, chaque joueur possède 6 Kumothori alors qu’en mode équipe, les joueurs se partagent équitablement ce même nombre (je vous laisse faire le calcul). Un Kumothori est représenté par un dés à 6 faces; chaque face étant ornée d’une illustration déterminant les types de mouvements possible.
Avec un Kumothori, il vous est possible (orthogonalement):
– d’avancer (une case),
– de courir (de 2 cases),
– de projeter (une case adjacente)
– d’immobiliser (en plaçant son guerrier sur le guerrier adversaire)
– d’agripper (une case)
– de sauter (d’une case à X cases selon la situation et en ligne droite)
– et surtout de se positionner en KUMO (position de lotus faisandé nécessaire dans la mouvance de la pierre d’équilibre)
Chaque joueurs possède 5 actions en tout et pour tout au cours desquelles il pourra notamment utiliser les mouvements susmentionnés. Une action devra toutefois être réservée pour appliquer une rotation à l’arène. Un demi tour dans le cadre d’un duel, et un quart de tour dans le cadre d’un affrontement par équipe.
Il vous restera du coup 4 actions… ou presque.
Car une seconde règle viendra jouer les fauteurs de trouble, essentiellement au début du jeu. En effet, tant qu’il vous sera possible de le faire, vous devrez faire entrer un nouveau Kumothori au sein de l’arène. Cela peut sembler handicapant, mais sans Kumothori, pas de mandales, et donc pas de « je te tiens, tu me tiens, par la pierre d’équilibre »…
Comme vous l’aurez vraisemblablement saisi, aucun Kumothori ne permet actuellement de déplacement en diagonale. Toutefois, selon les dires de Nicholas himself et sans trop en dévoiler, il est plus que probable que de nouvelles castes fassent leur apparition dans un avenir proche… Mais revenons à nos bon vieux bols de r..euh… Kumothori.
Avancer un Kumothori consiste à le déplacer d’une case autour de sa position pour la somme modique bien que nécesaire d’un point d’action. Courir du coup se résume à le déplacer 2 fois avec la particularité que vous n’êtes pas forcé de courir en ligne droite. Et oui; un Kumothori n’est pas forcément sobre. Quoiqu’il en soit, cette action vous coûtera 1 point.
Pour projeter quelqu’un, vous devrez être en contact avec lui sur une case adjacente; l’idée étant de déplacer le Kumothori de sa place d’origine jusqu’à une position libre autour de vous (non diagonale). Une sorte d’Uchi-Mata multi-directionnel. La subtilité réside dans le fait que les déplacements peuvent être exécutés aussi bien sur vos adversaires que sur vos propres guerriers.
Et là, je vous vois venir…
Vous allez me dire:
– « Mais pourquoi voudrais-je projeter mes propres guerriers? »
Pour de multiples raisons petit roseau qui vont du simple fait de se déplacer en couvrant plus de distance au fait de se repositionner intelligemment sur l’arène. Là encore, comptez 1 point d’action par mouvement de ce type.
Pour agripper un guerrier à l’instar de la projection, vous devrez vous trouvez en contact sur une case adjacente. Agripper un guerrier consiste pour le coup à se déplacer d’une case en embarquant joyeusement le guerrier agrippé (en backpack) avec soit (déplacer les 2 dés). Là encore il est possible d’agripper ses propres guerriers. Sans surprise ou presque, il vous en coûtera un point d’action.
Pour immobiliser un guerrier et empêcher du coup l’adversaire de le déplacer, il suffit de le chevaucher gaillardement (et non pas paillardement). Pour ce faire, vous devrez aussi vous trouvez sur une case adjacente. Mais il y a un revers à la médaille: il est obligatoire de débloquer son adversaire au cours du tour suivant. Sous-entendu, il vous en coûtera un point d’action d’office. Mais pour en avoir usé, la situation peut l’exiger…
Sauter au dessus d’un autre Kumothori vous coûtera… [-roulement de tambour-] …un point d’action. Oui je sais, c’est très inattendu. Pour ce faire, vous devrez également vous trouver sur une case adjacente, Vous pourrez alors déplacer votre Kumothori jusqu’à la prochaine case libre (pour un déplacement en ligne droite).
La dernière face est le KUMO. Cette position n’a d’utilité que dans le cadre d’une tentative de déplacement de la pierre d’équilibre – ce qui au passage est tout de même à la base une composante du but du jeu.
Pour déplacer la pierre, il vous faudra placer 2 Kumothori en position adjacente sur la face KUMO et ce adjacent à la pierre d’équilibre.
Vous ne pourrez vous déplacer en position KUMO que dans ce type de formation. Se déplacer en formation Kumo vous coûtera un point d’action.
Ce qui nous amène globalement à 2 éléments important du jeu.
- Comment changer de face et QUID du coût?
- Peut-on gagner plus de points de d’actions.
Prends tes baguettes jeune shopsui-flottant, la fête commence.
NDLR – Attention – Des joueurs perplexes sont cachés sur cette photo.
Globalement, vous pouvez faire entrer un Kumothori sur n’importe quelle face, sachant qu’en plus de la face « Avancer » et « Courir », vous avez également la possibilité d’avancer d’une case dans les positions « Projeter », « Sauter », « Agripper » et « Immobiliser ». Ces faces cumulent en quelque sorte 2 mouvements.
Exemple:
Admettons qu’un Kumothori adverse se trouve à 4 cases du bord.
- Vous faites entrer un de vos Kumothori sur la face « Projeter » en le laissant au bord de l’arène (Coût: 1pts).
- Un autre de vos Kumothori est à proximité. (suspense) En le faisait courir (coût: 1pts), ce dernier vient se placer de manière adjacente au Kumothori adverse à 3 cases du bord et surtout en alignement avec celui que vous avez fait rentrer.
- Vous décidez de le faire changer de position pour projeter votre adversaire (coût: 1pts).
- En projetant l’adversaire (Coût: 1pts), ce dernier se trouve à présent entre vous et le collègue que vous avez laissé en bordure d’arène.
- Ce dernier ayant été rentré sur la position « Projeter », vous vous empressez joyeusement de refaire une projection en balançant l’adversaire hors de l’arène. (Coût: 1pts)
- Il ne vous restera plus qu’à faire pivoter l’arène – ce qui est une action obligatoire pour tout un chacun. (Coût: 1pts)
Ah Oui! Je confirme. Sisi!
Il est possible de faire valdinguer un adversaire hors de l’arène, et cela est même suggéré puisque cela va nous permettre de répondre à la question n°2.
Projeter un adversaire hors de l’arène sous-entend que ce dernier est en prison.Tout adversaire qui sera amené à quitter l’arène vous permettra d’avoir un point d’action supplémentaire. Avec un adversaire en prison, vous passez donc à 6 pts d’action.
A son tour, votre adversaire à la possibilité de libérer son Kumothori pour 1 pts d’action. Mais il peut décider de vous laisser l’avantage d’avoir 6 pts désirant simplement utiliser ses 5 pts dans le cadre d’une stratégie différente. Cependant, vous vous rendrez rapidement compte que c’est une stratégie dangereuse…
Re-Exemple:
Si nous reprenons l’exemple précédent, et si vous avez été attentif, vous vous rendrez compte que le nombre total de points dépensés pour réaliser toutes ces actions s’élève à 6pts. Cela n’est rendu possible que de par le fait que la projection du Kumothori adverse vous aura fait bénéficier d’un point supplémentaire
NDLR – Attention – Une pierre d’équilibre phallique est cachée sur cette photo.
Une vidéo plutôt que des phrases avec trop de syllabes…
Pour ceux qui auraient décrochés dans le courant de l’article, vous pouvez toujours visualiser l’explication du jeu donnée par Maître Bodard himself lors du festival du jeu d’Essen 2014 au micro de la sympathique équipe de Ludovox.
(©2014, Ludovox)
Est-ce que j’ai aimé?
Vous l’aurez je pense compris, KUMO HOGOSHA est un jeu nerveux, aussi stratégique qu’immersif. Comme lors d’une partie d’échec, on visualise le jeu plaçant peu à peu ses troupes tout en essayant d’anticiper les mouvements de l’adversaire. La force du jeu réside dans le fait qu’il est possible d’effectuer une large partie de l’éventail des actions proposées aussi bien sur ses propres Kumothori que sur ceux de ses adversaires. On commence alors non seulement à envisager ce que l’adversaire pourrait potentiellement (se) faire, tout en essayant de trouver la combinaison de mouvements qui permettra d’approcher un peu plus vos Kumothori de la victoire.
Autant le dire tout de suite, j’ai beaucoup apprécié ce jeu. Je suis intimement convaincu que son potentiel est aussi vaste qu’excitant. Le mode duel est selon moi le modèle le plus aboutit et assurément le plus nerveux des deux. C’est clairement ce dernier qui aura ma préférence.La faiblesse actuelle du mode en équipe réside dans le fait que les joueurs ont une plus grande latitude pour s’immobiliser à tour de rôle sans pouvoir pleinement prendre le contrôle de l’arène.
C’est peut-être une question de type de joueur, mais lors de la partie en équipe à laquelle je pris part, j’avais l’impression de devoir tabler sur une erreur de l’adversaire pour prendre l’avantage. Hors, il est arrivé un moment au cours du jeu où 5 de nos 6 Kumothori étaient présent sur l’arène face à 1 seul adverse. On pourrait raisonnablement penser que les carottes seraient cuites mais ce serait minimiser la facilité avec laquelle une telle situation est possible d’être retournée. Dans la mesure où 2 Kumothori sont nécessaire en position de Kumo pour déplacer la pierre d’équilibre, il suffit en effet à l’adversaire de briser cette « harmonie » pour semer le trouble sur l’arène. J’ai finalement eu l’impression que nous n’arriverions jamais a terminer la partie et c’est d’ailleurs dans cette optique, et aussi parce que nous monopolisions un tantinet le jeu que nous décidâmes de laisser la place à autrui…
Je n’ai pourtant pas l’impression que le mode par équipe n’ait pour le coup pas sa place. A mon sens et après une pseudo intense mais au combien ludique réflexion, le problème réside non pas dans ce que le jeu contient, mais plutôt dans ce qu’il ne contient pas encore. Le fait que les Kumothoris actuels ne se déplacent que de manière orthogonal fait que dans le mode par équipe, les joueurs se battent avec les mêmes armes et le même nombre d’armes. Ce qui fonctionne parfaitement en mode Duel devient pour le coup handicapant en mode par équipe. Le mode par équipe prendra selon moi tout son essor lorsque de nouvelles factions seront introduites…
Est-ce que je le conseillerais?
Si vous êtes le type de joueur qui apprécie les jeux de confrontation pour lesquels stratégie, tactique et réflexion font partie des ingrédients de base, sans aucune hésitation.
Si vous retrouver le cerveau bouillonnant, déplacer des dés dans tous les sens, ou plus communément si les échecs vous rebute, je ne saurais que vous conseiller de passer votre chemin. Ne vous faites pas violence; ce jeu n’est pas pour vous…
« Quand vous êtes capable, feignez l’incapacité.
Quand vous agissez, feignez l’inactivité.
Quand vous êtes proche, feignez l’éloignement.
Quand vous êtes loin, feignez la proximité.
Sur ce, fait péter la sauce au soja… »
[Sun Tchaiping]
Kumo-Hogosha devrait être disponible dans vos crèmeries préférées dans le courant de 2015. En attendant, il vous faudra prendre votre mal en patience.
Avec un peu de chance…
Guettez Maître Bodard sur son arbre perché,
Tenant dans sa main ce jeu comme seul bagage,
Le ludonaute que vous êtes par l’odeur alléché,
Pourrait avoir l’occasion d’en faire l’apprentissage…
Kumo Hogosha en Picto…
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