Kezako?
King & Assassins est un jeu de bluff asymétrique créé par Łukasz Woźniak (7 Days of Westerplatte, Nehemiah) et illustré en collégialité par Damian Bajowski, Tomasz Chistowski, Grzegorz Rutkowski et Michal Teliga. Sorti en anglais en 2013 et présenté à Essen la même année, le jeu est alors édité par Galakta avant d’être traduit en français pour être distribué par RUNES Editions. Le jeu est conçu pour 2 joueurs dès 10 ans pour une durée de jeu de 30 à 45 minutes.
Le pitch à la sauce Meeple?
La ville de Shlagwuuk-les-Oies est en émoi; le souverain Farfale-di-Pastha IIIème du nom est de retour, escorté de sa garde rapprochée – les terribles et féroces guerriers Spazegutti. La colère gronde dans les bas fonds et il se murmure déjà que de sombres plans se trament dans de sombres ruelles par de sombres personnages pour se débarrasser définitivement du sombre tyran.
Ignorant les inquiétudes de ses plus proches conseillers et les chiffres alarmant des sondages de popularité, le Roi décide malgré tout de braver la population révoltée en allant fièrement faire le kéké sur la grande place de la ville, faisant fie de l’état d’esprit de ses sujets…
Alors qu’une foule en ébullition se rassemble peu à peu autour de l’intéressé et que les 4 bardes de chez Metallica entame « ….And Justice For All », des Assassins se fondent discètement dans la masse attendant l’opportunité de se débarrasser du nobliaux de pacotille une fois pour toute.
Qui sont-ils? Quand agiront-ils? Qui a volé l’orange du marchand? Slip ou Caleçon?
C’est aujourd’hui que tout va se décider. C’est VOUS qui allez décider!
Kings and Assassins est un jeu de bluff et de stratégie asymétrique pour deux joueurs. Pour ceux qui ne seraient pas familier avec le jargon ludique, par « asymétrique », il est entendu que les règles du jeu et donc les buts sont différentes pour les 2 joueurs. L’un contrôlera le Souverain et ses sbires qui devront se frayer un chemin jusqu’au château à travers une foule de citoyens légèrement vindicative alors que l’autre contrôlera la foule – mais surtout les 3 Assassins dissimulés dans la masse de cette dernière qui devront s’évertuer à raccourcir l’existence du dit Monarque…
Comme disait Sun Tzu (ou pas) dans l’ouvrage de référence « L’art de la guerre »:
« Sois subtil jusqu’à l’invisible; sois mystérieux jusqu’à l’inaudible; alors tu pourras maîtriser le destin de tes adversaires et manger tranquillou ton bol de nouilles sans qu’ils viennent te les briser menu. »
Le Matériel
Le jeu est composé de 12 silhouette représentant les « Citoyens » légèrement courroucés de la venue du Monarque, 7 silhouettes de « Chevalier » représentant la garde rapprochée du Souverain, 3 silhouettes « Assassins » qui seront utilisées pour remplacer les citoyens dissimulant leur véritable identité et une silhouette représentant le « Roi » en vadrouille; le tout est évidemment monté sur un socle en plastique pour tenir joyeusement à la vertical.
A cela s’ajoute 15 cartes de jeu indiquant le nombre d’actions possible pour chaque faction, 12 cartes de citoyen pour définir secrètement les 3 Assassins du jeu, 1 jeton « Blessure du Roi » permettant d’indiquer l’état physique du souverain, 1 plateau de jeu recto-verso permettant de varier la difficulté du jeu et finalement 2 fiches de référence résumant toutes les actions possible pour les 2 factions. Le tout est d’excellente facture.
Thème du jeu et illustrations
Comme mon pitch quelque peu imagé le laissait j’imagine supposer, la thématique du jeu est centrée sur la période du Moyen Âge, une époque couvrant une dizaine de siècles entre le 5e et le 15e siècle qui débuta avec le – ôooo combien fameux déclin de l’Empire estampillé SPQR constitué de la partie occidentale de L’Empire à partir de sa division par Caius Aurelius Valerius Diocletianus Augustus dit Dioclétien pour les intimes et se termina par la Renaissance et les Grandes découvertes. Il est entendu que cette dernière information n’a pas grande incidence sur le jeu, mais c’est pour vous, c’est cadeau pour vos discussions de fin de soirée.
L’époque se prête parfaitement à la thématique du jeu; la subtile alchimie entre un système de jeu simple, intuitif et efficace, des illustrations magnifiques et abouties et la tension situationnelle naturellement induite de par les factions et leurs capacités permet aux joueurs de s’immerger sans difficulté dans une ambiance qui se veut tendue de part et d’autre. La couverture du jeu donne largement le ton et pour pour les connaisseurs du genre, on ne pourra s’empêcher de faire le lien avec Altaïr Ibn-La’Ahad – célèbre personnage issue de la franchise d’Ubisoft Assassin’s Creed ou Geralt de Riv de la série littéraire The Witcher écrite par l’auteur polonais (également) Andrzej Sapkowski.
Comment qu’on joue dit?
Avant de débuter la partie, il sera question de choix et de mise en place.
Accroches-toi à ton slibard, Lothar…
Premièrement, il vous faudra choisir entre le plateau face [A] et [B].
Si votre choix s’est porté sur la face [A], il vous faudra déterminer quel joueur incarnera les villageois (et donc les 3 Assassins) et qui jouera le Monarque (et ses chevaliers). On placera ensuite les silhouettes des villageois au hasard sur les cases marquées d’un X, le Roi, sera placé sur la case marqué d’une croix orthogonale et les chevaliers seront placés autour du Monarque sur les cases marquées d’un rond noir.
Le joueur incarnant le Roi prendra également le jeton « Blessure du Roi » et le placera bien en vue devant lui. Ce jeton comportant une face « bonne santé » (verte) et une face « blessé » (Rouge) permettra d’indiquer l’état physique du Souverain si ce dernier se fait quelque peu chatouiller avec trop d’insistance par qui que ce soit… Mais nous y reviendrons plus tard…
Le joueur qui aura décidé d’incarner les sympathiques et chaleureux villageois prendra ensuite les 12 cartes Citoyens pour en choisir secrètement 3 d’entre elles. Les cartes en question identifient qui des villageois seront en fait des Assassins. Le reste des cartes est écarté du jeu.
Si votre choix s’est porté sur la face [B], le joueur incarnant les villageois devra choisir les 3 Assassins avant qu’il soit décidé sur lequel des deux emplacements disponible le Roi démarrera la partie. Il vous faudra également retirer la carte disposant d’un cristal rouge des 15 cartes de jeu.
Quelque soit la variante de plateau choisie, on prendra soin de bien mélanger ces cartes avant de les placer face cachées pour former la pioche. La partie peut à présent commencer.
« Do or do not. There’s no try! »
[Yoda – Star Wars]
Au début de chaque tour, la première carte de la pioche est révélée; elle indique le nombre de points d’actions (PA) que pourront dépenser le Roi, les Chevaliers et les Villageois (et donc les 3 Assassins) pour se mouvoir.
Noblesse oblige (et aussi un peu à cause des règles de jeu), le joueur incarnant le Souverain ouvrira le bal en procédant au déplacement de ce dernier ainsi qu’à ceux de ses Chevaliers avant que le joueur qui incarne les Assassins ne fasse de même avec les très respectables et innocents Citoyens.
En terme de déplacement, le Roi, les Chevaliers et les Citoyens pourront tous se mouvoir orthogonalement pour le coût de 1 PA. Il subsiste toutefois quelques subtilités qui sont d’ailleurs brillamment résumées sur deux cartes du plus bel effet. Le Roi ne pourra se mouvoir que sur la terre ferme. Les Chevaliers quant à eux, auront l’option ninja en plus leur conférant la capacité de grimper sur les toits pour un coût de 2 PA, circuler sur ces derniers pour 1 PA et en redescendre pour 1 PA. Si les Chevaliers en se déplaçant entre dans une case occupée par un Citoyen, le bougre se verra refoulé de cette dernière et repoussé sur la case derrière lui. Un garde armé – ça ne rigole point, même si le pécore d’en face est fournie d’origine avec sa fourche!
En revanche, on notera que les Citoyens bénéficient des mêmes type de déplacement que les Chevaliers et ce pour les mêmes coûts. Bien-sûr, il ne pourront pas repousser les Chevaliers. Cependant, si un Citoyen se révèle en tant qu’Assassin, il bénéficiera immédiatement d’une ristourne à long terme sur ses futurs déplacements. A savoir qu’un déplacement normal terrestre ou sur toit coûtera toujours 1 PA, mais grimper sur un toit ne demandera plus que 1 PA et en descendre sera désormais offert par la maison.
Mais l’utilisation des points d’actions ne se limite pas uniquement aux déplacements. Les Chevaliers pourront notamment capturer un Citoyen et le jeter dans les geôles sombres et humides du château (d’après le guide du routard de la région) si ce dernier est situé sur une case adjacente de l’un d’eux et que la carte de jeu révélée à ce tour comporte une icône de menottes. Le pauvre bougre ainsi mis aux arrêts est simplement retiré du jeu.
Les Chevaliers ont aussi la capacité de se débarrasser d’un Assassin qui se serait révélé en tant que tel, si ce dernier est également situé sur une case adjacente. Notez toutefois qu’un Chevalier perché sur un toit pourra sans problème abréger l’existence d’un Assassin situé sur une case de rue (toujours adjacente). En revanche, l’inverse ne sera pas possible; un Chevalier ne pourra s’en prendre à un Assassin logé sur un toit. A l’instar du Citoyen capturé, un Assassin qui aura croisé le chemin de la grande faucheuse sera immédiatement retiré du jeu.
Les Assassins ne sont pas en reste; si tant est qu’ils soient déclarés en tant que tel, ils ont également la possibilité d’exploiter les points d’actions à l’encontre des Chevaliers et surtout du Roi! A commencer par les Chevalier, tout Assassinat d’un premier Chevalier durant un tour coûtera 1 PA. S’il s’avère que c’est la fête du slip et qu’il est possible d’en envoyer un second ad patres durant le même tour, il faudra cette fois-ci utiliser 2 PA. Reste à présent la question du Souverain. Pour se débarrasser de sa sérénissime, les Assassins devront frapper 2 fois. Infliger une blessure coûtera 2 PA. Terminer le boulot en demandera 2 de plus. C’est là que le jeton de « Blessure du Roi » interviendra; si le Monarque est blessé, le joueur incarnant ce dernier devra le retourner sur la face blessée. Le Jeton donc. Pas le Roi. Non parce… Enfin bon.
Fin de partie et conditions de victoire
La Monarchie restera en place si:
- Les 3 Assassins sont supprimés ou capturés au cours du jeu.
- Le Roi entre joyeusement dans son Château par la Grande Porte avec trompettes et tout le tsoin-tsoin.
L’Assassin (et plus largement le Peuple) gagnera si:
- La vie du Roi est subitement et définitivement écourtée au cours du jeu
- Si toutes les cartes de jeu ont été jouées et que le Roi n’a toujours pas regagné son château
King and Assassins est en soit une belle réussite; Lukasz Wozniak ne réinvente certes pas le genre mais réussit à proposer une expérience ludique particulièrement immersive à l’aide de règles très simples nécessitant tout au plus 5 minutes pour être acquises, des illustrations aussi sympathiques qu’efficaces collant parfaitement à la thématique et une louchette d’incertitude portée par le hasard induit de par l’utilisation des cartes d’action. C’est d’ailleurs ce point de la mécanique du jeu qui permettra de soutenir parfaitement l’ambiance oppressante voire même paranoïaque dans laquelle évoluera le Roi et la tension presque palpable que les Assassins devront tenter de feindre pour réussir à se dévoiler au moment le plus opportun.
Pour le joueur qui incarne le Roi, tout l’enjeu consistera à se déplacer avec précaution sans trop s’exposer en s’appuyant sur ses Chevaliers pour lui ouvrir la voie. Ces derniers permettront tant bien que mal de repousser voire d’emprisonner les Citoyens qui pourraient barrer la route du Monarque avec un peu trop d’entrain, quitte à condamner arbitrairement de pauvres villageois alors que les véritables Assassins seront tapis dans l’ombre (oui, il y a décidément beaucoup d’ombre dans ce jeu). L’exercice du joueur contrôlant les Assassins sera d’autant plus périlleux dans la mesure ou la réussite de sa mission dépendra uniquement de sa capacité à induire son adversaire en erreur, voire – selon la situation, à ralentir sa progression. Car a contrario des Assassins, le temps du Souverain sera compté l’espace de 15 cartes…
À son retour de la Spielmesse d’Essen, le célèbre podcaster Tom Vasel (The Dice Tower) publia comme à son habitude son TOP-10 des jeux qui l’avait marqués et pour lesquels il avait éprouvé un grand intérêt, nominant King and Assassins en première position tant la thématique du jeu l’avait interpellée. Il réalisera en janvier 2014 l’épisode 122 qui sera dédié au jeu et dans lequel il maintiendra son point de vue; épisode que je vous encourage d’ailleurs à visionner si vous n’êtes pas allergique à la langue de Shakespeare. D’accord? Pas d’accord? Les goûts et les couleurs…
En ce qui me concerne, j’ai beaucoup apprécié jouer à King and Assassins et le jeu s’est très vite révélé être addictif. Le facteur de rejouabilité me semblait alors gargantuesque; après chaque partie, mes adversaires et moi même étions indubitablement tenté d’expérimenter l’autre camp ou la seconde face du plateau et de ce fait, de changer de perspective. Cependant, le jeu n’offrant qu’une série de variantes limitées, l’expérience répétée, bien que plaisante, a tout de même peu à peu laissé place à une forme de lassitude. Le problème vient selon moi de la continuité de l’expérience ludique de par son facteur de renouvellement. King and Assassins jouit et souffre en même temps du cadre qui le définit. A savoir qu’au bout d’un certain nombre de parties, ces dernières finiront forcément par se ressembler. Les approches seront certes différentes selon les adversaires, mais le fond de l’histoire restera le même. Hors, on se mettra alors à songer à d’autres variantes potentielles, un nouveau plateau, de nouveaux personnages, une nouvelle situation de jeu, des changements de règles qui viendraient bouleverser nos certitudes, remodeler un terrain que l’on ne connaît que trop bien et faire souffler un vent de fraîcheur réveillant à nouveau ces premières sensations assoupies si délicieusement pimentées… Oui je sais – ça claque!
C’est finalement dommage, car King and Assassins possède un véritable potentiel qu’il aurait été intéressant de continuer à développer et ainsi permettre aux joueurs de redécouvrir un jeu qu’ils croyaient finalement que trop bien connaître. Ne jamais dire jamais…
Pour conclure, si vous êtes allergique au carton et que les silhouettes vous désespèrent, sachez que vous avez la possibilité de remplacer ces dernières avec des figurines (pour le côté quintal de plastique). Plusieurs sociétés propose notamment des séries thématiques qui peuvent aisément être utilisées dans le cadre du jeu de société.
Pour King and Assassins, Reaper Miniature propose notamment une pléthore de modèles différents dans sa gamme « Townsfolk » qui reprennent quasiment trait pour trait les silhouettes du jeu… A bon entendeur.
King and Assassins en Picto…
- Le site de Galakta Games
- Le site de Rune Editions
- La page Facebook de Runes Editions
- La page Facebook de l’auteur Łukasz Woźniak
- Le site de l’illustrateur Damian Bajowski
- Le site de l’illustrateur Tomasz Chistowski
- Le site de l’illustrateur Grzegorz Rutkowski
- Le page ArtStation de l’illustrateur Michal Teliga
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