1934. Le célèbre et néanmoins meilleur détective au monde (autoproclamé) belge Hercule Poirot est de passage à Jérusalem. Un vol vient d’être commis à l’église du Saint-Sépulcre, enflammant les tensions entre communautés. Poirot accepte de se pencher sur l’enquête et ne tarde pas à prouver que sa réputation n’est de loin pas déméritée. Alors qu’il a l’intention de de se rendre à Istanbul pour faire un peu de tourisme, il reçoit un télégramme l’invitant à revenir à Londres dans les plus brefs délais.
En déjeunant à son hôtel, le détective rencontre par hasard un vieil ami: Monsieur Bouc, qui s’avère être Directeur de ligne belge de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits (CIWL), accessoirement propriétaire de l’Orient-Express – un train de luxe assurant notamment la liaison (ferroviaire… sisi…) entre Paris, Vienne, Londres, Venise et Istanbul. Ce dernier propose à Poirot de lui trouver une place dans l’Orient-Express pour lui épargner un voyage qui pourrait devenir long et fastidieux; ce que le détective accepte de bonne grâce.
Une fois monté dans le train, qui s’avère être joyeusement bondé, Poirot fait rapidement la connaissance de la faune locale bien gratinée qui va l’accompagner durant ce périple de quelques jours. 14 personnalités toutes plus différentes les unes des autres. A commencer par Caroline Hubbard, une veuve américaine extravagante en constante recherche d’attention (et peut-être d’un potentiel nouveau mari), Pilar Estravados, une humble missionnaire et infirmière espagnole, Gerhard Hardman, un professeur allemand à l’allure sévère et à l’avis tranché qui ne s’exprime que rarement tout en gardant un œil sur tout le monde, la princesse russe Natalia Dragomiroff, une femme aussi élégante qu’aristocratique dans l’art et la manière et sa fidèle gouvernante allemande Hildegarde Schmidt, le docteur Arbuthnot, citoyen anglais – véritable gentleman aussi charmant qu’apparemment spirituel, Mary Debenham, une jeune femme célibataire qui se dit Gouvernante de deux enfants à Bagdad, Pierre Michel, l’opérateur en chef français de l’Orient-Express dont la fonction principale est d’assurer la sécurité des passagers, Biniamino Marquez, un homme d’affaires cubain évoluant sur le marché fructueux de l’automobile aussi sûr de lui qu’il semble audacieux, Samuel Ratchett, un homme d’affaire américain qui traîne derrière lui une réputation de contrebandier quelque peu douteuse, Edward Masterman, fidèle valet de chambre de Ratchett, particulièrement maniéré et poli, entièrement dévoué à son employeur, Hector MacQueen, un homme intelligent et sympathique qui s’avère également être le secrétaire et traducteur personnel de Ratchett. Le train ferme la marche avec le comte Rudolph Andrenyi et son épouse Élena, un couple bien mystérieux qui voyage luxueusement et isolé en première classe grâce à leur passeport diplomatique hongrois.
Lors d’un déjeuner, Samuel Ratchett invite le célèbre détective à se joindre à lui, invitation que ce dernier accepte poliment malgré de fortes réticences. Ratchett lui propose, contre des espèces sonnantes et trébuchantes, de devenir son garde du corps durant le trajet : ce dernier ayant reçu des lettres de menaces. Mais Poirot répond par la négative, prétextant ne pouvoir travailler pour des hommes corrompus.
A la nuit tombée, alors que Poirot lutte pour s’endormir, il est tiré du lit par des bruits étranges provenant de la chambre de Ratchett, située à côté de la sienne. Intrigué par ce remue-ménage, il fini par se lever pour jeter un œil dans le corridor ; ce qui lui laisse tout juste assez de temps pour remarquer une personne vêtue d’un kimono rouge circulant rapidement à travers le couloir. Mais le wagon étant à nouveau silencieux et le détective fatigué par son périple, il fini par se recoucher avant d’être littéralement éjecté de son lit quelques minutes plus tard ; une avalanche ayant fait dérailler le train et bloquant désormais la voie.
Alors que tous les passagers résolument inquiets sont réunit au petit matin dans le wagon-salon pour constater l’ampleur de la situation, l’opérateur Pierre Michel se rend à la cabine de Ratchett pour lui apporter son petit déjeuner. Il trouve cependant porte close et personne ne semble vouloir répondre à ses appels. Alerté par le bruit, Poirot rejoint l’opérateur pour l’aider à ouvrir la porte – ce qu’il ne tarde pas à réussir. Les deux découvrent alors le cadavre de Ratchett lardé de coups de couteaux… Alors que le détective refuse initialement de mener l’enquête, Monsieur Bouc le supplie de l’aider dans cette tragique affaire. Par amitié et probablement aussi poussé par sa curiosité et son instinct, Poirot fini par accepter. L’enquête peut commencer…
Un histoire inspiré de faits réels…
Le Crime de l’Orient-Express dont le titre original est « Murder on the Orient Express » fut écrit par la femme de lettres britannique et célèbre auteur de roman policier Agatha Christie. Publié le 1er janvier 1934 au Royaume-Uni, il reste à ce jour l’un des récits (avec les 10 petits nègres) ayant connu le plus de succès à travers le globe. Pourtant, il est méconnu du grand public que l’histoire fut en partie inspirée de faits aussi réels que tragiques. A savoir, la sombre affaire du kidnapping de l’enfant du célèbre aviateur Charles Lindbergh.
Au mois de mai 1927, l’aviateur et aventurier Charles « Lucky Lindi » Lindbergh effectue ce qui sera inscrit dans les livres d’histoire comme le premier vol transatlantique en solo de New York à Paris. De retour au bercail, il devient rapidement icone du peuple et véritable héros pour les Américains…
5 ans plus tard, au soir du 1er mars 1932, Charles Augustus Lindbergh Jr., fils du célèbre aviateur Charles Lindbergh et d’Anne Morrow Lindbergh est kidnappé dans la maison familiale. Alors que police, avocat et tout le tremblement sont sur le point de débarquer, l’aviateur découvre une enveloppe blanche sur le rebord d’une fenêtre : une demande de rançon de $50’000 en échange du bébé.
Une enquête encore aujourd’hui jugée extraordinaire se met en place. Elle est dirigée par les chef de police d’East Amwell et du New Jersey ainsi que de J. Edgar Hoover, alors directeur du Bureau d’investigation (ancêtre du FBI). Alors que ce dernier use de l’affaire Lindbergh pour octroyer plus de pouvoir à la future police fédérale, il obtient de surcroît du Congrès que les enlèvements soient désormais considérés comme des crimes de nature fédérale. La loi Lindbergh est née…
Mais le choses vont de mal en pis. En date du 6 mars 1932, la rançon demandée augmente et passe à $70’000. C’est à peu près à cette période que la Police reçoit un appel de John Condon, un professeur à la retraite amateur d’affaires criminels qui dit être en contact avec le ravisseur. Le 2 avril, la police accepte l’aide de Condon et finit par l’utiliser comme intermédiaire pour remettre l’argent au ravisseur en échange du bébé. Malheureusement, l’enfant ne s’y trouvera pas ; les esprits s’échauffent. On retrouvera son corps un mois plus tard dans un fossé à quelques mètres de la maison des Lindbergh.
Après des mois d’enquête et une couverture médiatique sans précédente, le 19 septembre 1934, la police finira par mettre la main sur son suspect principal: Bruno Richard Hauptmann, un ancien criminel allemand trouvé en possession d’une partie de l’argent remis par Condon. Ce dernier sera jugé puis reconnu coupable d’enlèvement. Hauptmann sera exécuté sur la chaise électrique le 3 avril 1936 malgré que ce dernier n’aura eu de cesse de clamer son innocence.
Si cette histoire vous intéresse, je ne peux que vous conseiller le visionnage du documentaire en anglais de Nova « Who killed Lindbergh’s Baby? » qui rouvre le dossier et reprend l’enquête pour déterminer avec nos moyens actuels ce qui serait réellement arrivé au bébé de Charles Lindbergh et pourquoi. Les conclusions de cette nouvelle enquête en surprendront plus d’un…
Bien que cette affaire soit l’élément d’inspiration principal du roman, Agatha Christie s’est également inspirée d’un fait divers plus trivial pour fixer la toile de fond du roman. A savoir, les conséquence ayant causé l’arrêt subit du train. En effet, en 1929, un incident survint près de Cherkeskoy en Turquie avec le Simplon-Orient-Express, (ligne de train créée par les Alliés à la suite du traité de Versailles) qui fut immobilisé par un blizzard durant près de 6 jours…
Ouai, mais bon… Pour finir, c’est bien ?
Le crime de l’Orient Express avait déjà été adapté une première fois sur le grand écran en 1974 par le réalisateur Sidney Lumet (L’avocat du diable, Serpico, Family Business…). Le film obtint un succès sans précédent pour un film britannique, se voyant même nominé pas moins de 6 fois aux oscars de 1975. Le film ne remporta toutefois qu’une statuette par l’obtention de l’oscar de la meilleure actrice dans un second rôle pour Ingrid Bergman. Le casting XXL de cette version avait de quoi donner le vertige. Alber Finney dans le rôle de Poirot, Lauren Bacall dans le rôle de Madame Hubbard, Anthony Perkins dans le rôle d’Hector McQueen, Richard Widmark dans le rôle de Ratchett, Sean Connery, Jacqueline Bisset, Vanessa Regrave etc…
Il est d’ailleurs dit qu’à l’époque, Agatha Christie était très remonté suite aux différentes adaptations cinématographiques qui avaient été faites de ses romans et qu’elle ne voulait plus entendre parler de film ni de cinéma. C’est Lord Mountbatten, oncle du Prince Philippe, Duc d’Édimbourg (le mari de la reine Elizaboeuf) qui parvint à convaincre la romancière de laisser John Brabourne produire une adaptation du Crime de l’Orient-Express en précisant que Lumet serait le capitaine du navire. Agatha Christie se rendit à la première à Londres en présence de la reine et fut plus que ravie du résultat au delà d’un petit détail: la moustache de Poirot qu’elle imaginait plus prestigieuse…
En décidant de réaliser une nouvelle adaptation cinématographique du roman, Kenneth Branagh se lançait un sérieux défi et ce plusieurs niveaux. Il lui fallait dans un premier temps dépoussiérer le récit d’une « star » de la littérature du genre qui commençait tout de même à fleurer bon la naphtaline, puis réussir à attiser la curiosité et capturer l’intérêt du spectateur pour une histoire dont la fin était connu d’une bonne partie de la populace tout tout en respectant l’héritage des prédécesseurs. Par prédécesseur, il est évidemment question de l’oeuvre de Lumet mais aussi des acteurs iconiques qui ont interprétés des rôles tout aussi iconiques. A commencer par celui du célèbre détective Hercule Poirot dont les divers interprétations d’Albert Finney, Peter Ustinov, Ian Holm, Tony Randall, Alfred Molina et David Suchet sur grand et petit écran furent non seulement appréciées mais aussi encore bien ancrées dans les mémoires.
Alors mission réussie ?
Oui, en ce qui me concerne…
Comme Lumet en son temps, Branagh offre à son navire un solide équipage de têtes connues et (pour la plupart) reconnues. Chaque personnage se veut unique ; le réalisateur l’a bien compris et se donne le temps de les placer tranquillement sur son échiquier. Le spectateur découvre chacun d’eux, pas à pas. Puis survient le meurtre et cette dynamique change ; les personnages se retrouvent bloqués sur la voie dans ce train, presque confiné dans un wagon qui du coup n’offre que peu d’espace. La tension induite pousse l’oxygène à se raréfier. Après tout, le récit est avant tout un huis-clos.
Hors, là où Lumet avait pris la décision de confiner ses acteurs dans le train exploitant la tension induite jusqu’à la dernière goutte (restant fidèle au livre), Branagh prend le temps d’aérer l’espace de temps à autres, offrant plusieurs scènes importantes à l’extérieur – notamment une fois l’Orient-Express immobilisé suite à l’avalanche. Mais la densité du récit et le large nombre de protagonistes nécessite que le spectateur puisse souffler de temps à autre. L’approche de Branagh est pour le coup bien différente de celle de Lumet; la version 2017 bénéficie du progrès technologique absent dans les années 70. Des effets spéciaux sont intelligemment clairsemés avec parcimonie permettant notamment à la caméra de sortir du train tout en se focalisant sur l’action qui s’y déroule. Le focus est toujours concentré sur ce qui se passe entre ses murs mais l’angle de vision est inédit.
Au delà du fait que j’apprécie le réalisateur au moins autant que l’acteur, j’étais aussi particulièrement curieux de découvrir de quelle manière Branagh allait interpréter le personnage de Poirot, pivot central de toute l’histoire. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’acteur s’amuse et le spectateur également. Exit les fines et distinguées moustaches de Suchet, Finney et Holm ; celles du personnage interprété par Branagh en imposent : le personnage occupe une grande place dans le récit, au même titre que ses bacchantes. Cette décision fut pourtant mûrement réfléchie : Kenneth Branagh souhaitait se rapprocher le plus possible de celle qu’Agatha Christie avait dépeinte. A savoir, « la plus magnifique moustache de toute l’Angleterre ». L’équipe travailla donc (entre autre) près de 9 mois pour imaginer le résultat visible à l’écran…
Les autres membres du casting sont par ailleurs tous crédibles dans leur rôle. Michelle Pfeiffer s’amuse dans son rôle de veuve fantasque, Depp joue un Ratchett aussi mystérieux qu’arrogant, Dench est parfaite dans le rôle de l’ignoble Princesse Dragomiroff, Dafoe est exécrable dans son personnage de professeur aux tendances eugénique, Daisy « Ray » Ridley s’en sort très bien également dans son rôle de gouvernante discrète… Bref, du tout bon en ce qui me concerne…
Pour ce qui est du respect du récit original, lorsque l’on connait la soin du détail obsessionnel apporté par le réalisateur pour ses adaptations précédentes (Hamlet en est un parfait exemple), on pouvait s’attendre à quelque chose de particulièrement solide. Le résultat est d’ailleurs à la hauteur de nos espérances. Branagh respecte, mais dépoussière, dynamise tout en changeant quelques détails ; les indices sont dévoilés au goutte à goutte, lentement mais sûrement jusqu’au final explosif imaginé par Agatha Christie. Là encore, le réalisateur décide de sortir des sentiers battus en mettant en scène quelque chose d’inattendu qui brise en soit les règles du huis-clos…
Bref.
Le crime de l’Orient Express version 2017 est une très bonne adaptation et un film divertissant qui se laisse regarder sans modération. Pas forcément l’oeuvre de l’année ni essentiel, il reste toutefois une oeuvre au scénario solide, parfois étonnant, très esthétique chaloupé par un rythme relativement haletant mené tambour battant par une pléthore d’acteurs convaincants et convaincus par un Capitaine menant son navire avec une vision claire en tête. Kenneth Branagh remporte son pari et s’offre même le luxe d’une potentielle suite puisqu’en novembre 2017, alors que le film n’était même pas encore sorti dans une majorité de pays européens, la Fox annonça envisager l’adaptation du roman « Mort sur le Nil » suite aux bons résultats du film au box-office nord-américain. Les désormais $350 millions générés au box office au niveau mondial (pour un budget de $55 millions), semblent à fortiori leur donner raison…
Pour terminer sur une anecdote (et accessoirement répondre à une question que je m’étais moi-même posée) au risque de briser certaines illusions, le train utilisé durant le tournage ne fut pas le véritable Orient-Express. Les corridors de ce dernier était bien trop étroits pour permettre à l’immense caméra 65 mm de se déplacer librement. Aussi, 2 versions du train furent construites. Une version était composée des wagons et de sa locomotive et était capable de circuler sur les voies alors que la seconde était composé de parois amovibles permettant à l’équipe de tourner les scènes d’intérieures…
Le Crime de L’Orient-Express (2017) / Enquête policière / [IMDb 6.6/10]
Réalisateur: Kenneth Branagh
Scénario: Michael Green basé sur le récit d’Agatha Christie
Distributions: Kenneth Branagh, Johnny Depp, Daisy Ridley, Michelle Pfeiffer, Judi Dench, Penélope Cruz, Josh Gad, Leslie Odom Jr., Willem Dafoe, Derek Jacobi, Lucy Boynton, Olivia Colman, Tom Bateman, Serguei Polounine, Marwan Kenzari, Miranda Raison, Adam Garcia…
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